Meurtre chez les Mimi

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Longtemps, j’ai regardé les arts aborigènes avec beaucoup d’intérêt, lu de passionnants articles sur le blog Sur les pas d’une collection, sans jamais les approcher vraiment.
Seulement quelques billets écrits évoquant les toas, les churinga, quelques notions sur le «Dreaming».
Entre nous et les choses, il y a une distance. 

Elle est infiniment plus grande que chez certains peuples. 
C’est une des leçons que j’ai retenue en regardant les réalisations océaniennes, où les ignames décorées sont des oeuvres d’art, où la séparation entre nature et culture est moins nette qu’en Occident. 
Cette prise de conscience n’est pas anodine, elle permet de regarder le monde à travers une paire de lunettes différente… et notamment lorsqu’on veut s’intéresser à de nouvelles formes d’art.
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Il faut choisir une porte d’accès qui nous deviendra familière. La plus « simple» m’a paru être les peintures sur écorce de la Terre d’Arnhem. Beaucoup d’entre elles sont inspirées de l’art pariétal, telle cette dernière représentation d’un Mimi de la roche d’Ubirr dans le parc national de Kakadu, en Terre d’Arnhem. (Certaines peintures sur roches sont modernes, on parle alors de « style dynamique » plutôt que de « style mimi »).
Celles que j’ai choisies ont été réalisées par Irvala dans les années 1960, de l’île Croker, représentent des Mimi, ces génies des roches réputés paisibles. 
Et pourtant, et exceptionnellement, la première photo représente un acte de violence.
« Trois Mimi firent intrusion dans l’endroit habité par le quatrième. Furieux de ne pas être respecté, celui-ci se cache derrière un rocher, le faisant tomber sur les trois intrus au moment où ils passent dessous. Il en tua ainsi deux et brisa les jambes au troisième ». (Notice du Musée du Quai Branly).

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J’aime leur aspect jubilatoire. 
Karel Kupka (in Un art à l’état brut) confirme leur timidité, leur faiblesse telle, « que le vent leur briserait tout de suite le cou ». 
Ce sont pourtant des personnages puissants.
Irvala va poursuivre, réaliser de nombreuses représentations de Mimi et développer une peinture pédagogique, expliquant ce qu’il faut peindre sur le corps des initiés lors des cérémonies Marrayin; des motifs qui peuvent nous sembler abstraits mais qui ne le sont jamais dans l’esprit des peuples de la Terre d’Arnhem.   
(Irvala est aussi orthographié Yirawala)
Photos 1 et 3 : Musée du Quai Branly.
Photo 2 : in L’Art aborigène, Howard Murphy. @ Eye Ubiquitous, Shoreham.

3 commentaires sur “Meurtre chez les Mimi

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  1. Bonjour Lyliana,
    Je vois que le cycle annoncé sur l’art aborigène débute avec brio. Quel titre !
    Je suis impatient d’apprendre et de découvrir sans aucun doute des chemins de traverse autour de l’art aborigène.
    Avec vos sources et votre curiosité inépuisable, étonnez-nous…
    A bientôt. Bien amicalement,
    Bertrand
    P.S. : merci pour le clin d’oeil. 🙂

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  2. Je crains de ne guère pouvoir vous étonner Bertrand. J’avance à pas prudents vers des oeuvres plus que classiques mais que je découvre seulement.
    Comment ne pas plonger dans « votre » Rêve de la Prune sauvage… mais je chemine, donner du temps au regard.
    Je ne saurai en parler comme vous le faites.
    Je ne prétends nullement qu’il existe des lectures de ces oeuvres et donc qu’il faille passer par le stade « apprendre » une iconographie… c’est précisément le contraire.
    Les oeuvres océaniennes sont les plus beaux exemples démontrant qu’une approche sémiotique trouve ses limites. Laisser simplement la brillance des motifs opérer… mais peut-être faut-il y être seulement attentif ou regarder, comme je l’écrivais, avec une autre paire de lunettes que celle que nous portons le plus fréquemment.

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