Le lieu du blanc

à propos de mon blog Détours des Mondes

Ce petit texte est né d’un manque.
Non pas d’un vide psychanalytique, d’une angoisse métaphysique, ni d’un néant philosophique ; mais de l’existence d’une page blanche depuis un bon mois sur ce blog. Première fois délaissé depuis sa naissance, il y a plus de 15 ans ! Non pas un manque d’inspiration. Comment cela pourrait-il l’être avec un tel sujet ? Mais plutôt besoin d’une pause, d’une parenthèse !
Un grand espace blanc ! Mais, s’il le fallait, rappelons que la couleur blanche existe dans les arts traditionnels, qu’elle est souvent associée à la mort et au deuil, à l’image du masque des veuves.
C’est une couleur de passage s’il en est : elle marque le visage de l’adolescent qui va être initié selon le schéma classique de la mort et de la renaissance.
S’il nous semble difficile de dissocier le blanc comme perception du sentiment du vide, c’est peut-être parce que selon la fameuse formule d’Aristote « la Nature a horreur du vide » et que nous voyons dans une surface lisse et immaculée, le miroir de nous-mêmes et du monde, le vertige de notre liberté.
Certes, la pensée du vide anime les spiritualités de l’Extrême-Orient, mais elle nous est moins familière en Occident. Quant à l’expérience d’un trop-plein inanimé, elle ne nous est pas non plus coutumière… Ainsi, lorsque dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest surgissent des objets saturés de matière qui sont des « dieux », ces surplus de puissance nous interrogent profondément, car ils nous portent à croire que le surnaturel se place du côté de l’inerte. C’est le même sentiment de malaise qui est à l’œuvre lorsqu’Antoine Roquentin a la « révélation » de ce qu’est l’existence : « la pâte même des choses […] Ou plutôt la racine, les grilles du jardin, le banc, le gazon rare de la pelouse, tout ça s’était évanoui : la diversité des choses, leur individualité n’était qu’une apparence, un vernis. Ce vernis avait fondu, il restait des masses monstrueuses et molles, en désordre — nues, d’une effrayante et obscène nudité […]. »
Vide ou plein, matière ou esprit ? À la recherche probable de souffles vitaux.
Mais ne dit-on pas aussi que le blanc est la couleur de l’aube, et par suite la promesse de l’aurore et du jour qui se lève…

Photos de l’auteure, 2018.

3 commentaires sur “Le lieu du blanc

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  1. Martine,
    Votre article me fait un bien fou.
    je traverse le même moment sur lequel sans peine je déposerais bien la couleur blanche.
    Besoin d’un arrêt, d’une parenthèse.
    Curieusement je travaille depuis des mois sur un texte qui s’appelle « Mon blanc », je pense que je ne le sortirai pas parce qu’il est trop personnel.
    Et depuis que j’ai entamé cet article, plus rien de bon ne vient, ni ne sort de ma plume…
    Alors, en plus du plaisir de vous lire, je retiens votre image et cette interrogation, cette parenthèse est-elle faite de vide ou de plein ?
    Je fais comme la mer, j’accepte l’étal…
    Bien fort
    Corinne

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  2. Merci Corinne pour votre petit mot.
    Je suppose qu’il « faut » certainement savoir accepter le vide. Votre remarque sur l’existence naturelle de l’étale est fort juste.
    Pour ma part, et comme beaucoup, j’ai toujours essayé de remplir et il faut bien avouer que c’est certainement bien vain.
    Ma « parenthèse » actuelle de bloggeuse est tout de même un peu emplie car j’écris un nouveau roman (enfin, j’essaye). Mon personnage évolue dans le Londres de la fin du 18ème siècle et il me prend la tête, comme on dit.
    Il ne me laisse pas le temps d’envisager d’autres petites recherches sur les objets océaniens comme j’avais l’habitude de le faire… mais je vais bien réussir à le lâcher par moments, dans les instants de creux des « à quoi bon  » ou « à quoi ça sert ? »…ou je me précipiterai dans votre cabinet ESSENTIEL de Poésie Générale … Merci pour ce bel article !

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