
Ceux qui s’intéressent aux grandes expéditions maritimes dans le Pacifique connaissent les noms de quelques naturalistes embarqués : Par exemple, Philibert Commerson, celui-là même qui avait déguisé son bras-droit et compagne Jeanne Barret à bord de l’expédition de Bougainville ; Joseph Banks, jeune mécène et naturaliste du premier voyage de Cook ou encore Jacques-Julien Houtou de la Billardière, le botaniste de l’expédition d’Entrecasteaux.
Mais je pense que peu connaissent le nom de Jean-Baptiste Leschenault de la Tour (1773-1825), un voyageur naturaliste de la Nouvelle-Hollande à Java et de l’Inde à la Guyane ! Celui-ci fit notamment partie de l‘expédition Nicolas Baudin, et tout comme ce dernier son nom est injustement tombé dans l’oubli. (Pour en savoir plus , voir l’association des Amis de Nicolas Baudin).
Cependant un ouvrage vient de paraître, tentant de réparer cette omission, par une belle biographie signée Michel Jangoux.
Pour la grande aventure Baudin où Leschenault va s’illustrer, c’est Antoine-Laurent Jussieu, le directeur du museum d’histoire naturelle de Paris qui lui propose d’embarquer sur le Géographe. Un périple bien téméraire pour faire ses premières armes en tant que botaniste en chef à 27 ans ! En fait, au départ, Leschenault n’est que l’un des sept botanistes et jardiniers de l’expédition, mais sa fonction va prendre de l’importance lorsque le botaniste André Michaux, ainsi que deux jardiniers et un botaniste junior, vont déserter lors de l’escale à Maurice, puis que le jardinier en chef, Anselme Riedlé et un autre jardinier junior vont décéder. En janvier 1802, Leschenault se retrouve être le botaniste en chef par défaut avec le seul jardinier survivant, Antoine Guichenot.

On lui doit la récolte de très nombreuses espèces de plantes. Son herbier conservé au Muséum de Paris contient plus de 2.500 échantillons. Il rapporte également 130 semences « pour Madame Bonaparte qui lui en avait fait la demande ». Certaines espèces furent plantées dans les serres de l’impératrice à la Malmaison, qui furent malheureusement détruites en 1827. D’autres encore furent multipliées pour être acclimatées dans le sud de la France, notamment des espèces dont fait partie le mimosa. Pour en savoir plus, lire Un si beau jardin.
Ci-après on aperçoit kangourous et cygnes noirs dans le parc de la Malmaison qui avaient été ramenés d’Australie.

Outre l’intérêt naturaliste de son travail, Leschenault tient un journal qui, malheureusement, s’arrête après le retour du Naturaliste à Port Jackson, le 28 juin 1802. Celui-ci nous donne cependant une autre vision de l’expédition de Nicolas Baudin que celles que nous connaissons. Lors de ces grands voyages, les perceptions ou les commentaires d’un autre point de vue à bord que celui du Capitaine ou des officiers constituent toujours des témoignages enrichissants.
L’ouvrage de Jangoux ne se limite pas à l’exploration des Mers du Sud ; il suit Leschenault à Java où il passa trois années. Puis, nommé sous la 1ère Restauration naturaliste du Roi et correspondant de son cabinet d’histoire naturelle, il sera envoyé en mission à Pondichéry, et ce dès que Louis XVIII sera remonté sur le trône. Cette expédition durera de 1816 à 1821, avec des collectes en Inde et à Ceylan. De l’île Bourbon, il rentrera en France.
Il en repartira en 1823 pour la Guyane mais pour rentrer l’année suivante à cause d’une maladie. Il décèdera à Paris vraisemblablement suite à un accident vasculaire cérébral, le 15 mars 1826.
L’auteur nous brosse ainsi le portrait d’un homme curieux, et non pas celui d’un simple naturaliste. Il s’est intéressé aux objets des peuples qu’il a rencontré, outils, vêtements, armes ainsi qu’à leur langue et leurs coutumes ; et s’il a étudié la nature, ce fut bien souvent pour tenter de comprendre ce que les hommes pouvaient retirer de l’usage de telle ou telle plante. N’était-il pas, comme son siècle l’a théorisé dans l’Encyclopédie, un « honnête homme qui agit en tout par raison ».

dessin de Ch. A. Lesueur © Museum d’Histoire Naturelle Le Havre
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