
Reprenant le cours de nos photographes du début du XXe siècle dans le Golfe de Papouasie, surgit au tournant des années 20 la figure d’E. W. Pearson Chinnery (1887-1972). Cet Australien a occupé divers postes au sein des administrations coloniales australiennes dans les territoires de Papouasie-Nouvelle-Guinée entre 1910 et 1937. Il a débuté sa carrière en tant qu’officier de district de 1910 à 1917. Après avoir servi dans l’Australian Flying Corps pendant la Première Guerre mondiale, il a entrepris des études d’anthropologie à Cambridge. En 1924, il a été nommé anthropologue officiel du gouvernement pour le territoire sous mandat de Nouvelle-Guinée, où il exerça ses fonctions jusqu’en 1937. À partir de 1932, il assumera également le rôle de directeur des services de district et des affaires autochtones.

Lorsque Chinnery était étudiant de Haddon, il semble qu’il ait envoyé à son professeur de nombreuses photographies à la demande de ce dernier. Bien que ses clichés ne soient pas aussi anciens que d’autres images figurant dans la collection du musée de Cambridge dédiée au Golfe, ils font néanmoins partie des plus anciennes photographies connues d’Urama et des environs de la station gouvernementale de Kikori. Cependant des photos qui précèdent son inscription à Cambridge comme étudiant de Haddon en 1919, semblent indiquer, d’après la correspondance Haddon-Chinnery, que l’année 1916 fut la seule période significative pour la documentation connue de nos jours durant laquelle Chinnery séjourna dans le golfe de Papouasie.

Les deux précédents clichés offrent un aperçu de la région à une époque où seules les patrouilles avaient accès à ces communautés isolées. La seconde photographie a été prise lors d’une patrouille conduite par Chinnery et l’officier W. C. Dudley, entre le 21 et le 27 septembre 1916, à Mati Creek, une zone reculée. Cette mission visait à punir des individus impliqués dans une attaque contre un campement de police locale. Plus tôt la même année, Chinnery avait participé à une autre patrouille traversant la région de Goaribari, au cours de laquelle il mentionne avoir visité le village de Kerewa ainsi qu’une série de villages Urama.

© MAA Cambridge P.56394.ACH2
Dans le peu de photographies disponibles en ligne, on s’étonnera du manque de clichés concernant les intérieurs des grandes maisons. Seule cette sculpture ci-dessus affiche un motif semblable à ceux relevés sur les planches votives.

On trouve encore suspendus sur une toile tendue entre un réservoir d’eau et une maison, une collection d’objets, treize flèches, un arc, six lances et une sculpture en bois peint de forme ovale avec de petits crânes d’oiseaux accrochés à ses bords inférieurs qui intrigue.

Dans son article intitulé « The Agiba Cult of the Kerewa Culture » in Man 18, déc. 1918, A. C. Haddon évoque ce qui semble être un agiba miniature, une sorte de crochet. Il mentionne cet objet comme étant appelé marabu, auquel étaient fixées des têtes d’oiseaux, et il accompagne ses propos d’un dessin explicatif. (cf. ci contre).
Haddon précise que c’est E. W. P. Chinnery qui lui avait rapporté avoir observé un objet similaire auquel étaient attachés des crânes d’oiseaux, des os de casoars et des squelettes de lézards. Il s’agissait de l’entrée d’une maison longue du village d’Ututi,(peut-être la photographie précédente ?).
Quant au reste des photographies, pourtant nombreuses de Chinnery, il faut consulter la Bibliothèque nationale d’Australie avec de nombreuses cartes de terrain. Mais si elles sont bien répertoriées en ligne, on ne peut avoir accès ni aux images ni aux rapports de Chinnery qui, de plus, n’a pas écrit d’ouvrages d’ethnologie en direction du grand public. Ses documents et correspondances sont conservés sous le numéro MS 766 à la Bibliothèque nationale d’Australie.
Quelques articles sont cependant disponibles en ligne dans les revues Man et The Geographical Journal.
Plus surprenant, deux courtes nouvelles signées Chinnery ont été publiées dans le magazine britannique Wide World Magazine, un mensuel illustré qui était dédié aux récits « authentiques » d’aventures, de voyages, de traditions et de sport. Axés sur le sensationnel, les titres de ces textes parlent d’eux-mêmes : « In Quest of Cannibals; Exploration and Adventure in Unknown New Guinea » (1919) et « Into the Unknown; Chasing Outlaws in New Guinea » (décembre 1920). Une illustration de ce dernier article, accessible en ligne, en témoigne.

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