
Lady Vera Delves Broughton (1894-1968) figure parmi les premières femmes photographes à s’intéresser à l’ethnographie. Pourtant, comme Kathleen Haddon, elle est aujourd’hui largement oubliée. Son nom semble davantage associé à son premier mariage avec Sir Jock Delves Bougthon et aux affaires troubles impliquant ce dernier dans le Kenya colonial britannique d’avant la Seconde Guerre mondiale.
En 1934, Vera part avec Walter Guinness, premier baron Moyne, voyager à travers l’Asie du Sud-Est, les îles du Pacifique, le Groenland et les îles de la baie, au large des côtes du Honduras. Ses photographies servent d’illustrations aux ouvrages de Moyne, Walkabout (1936) et Atlantic Circle (1938).
Entre novembre 1935 et février 1936, le couple séjourne dans le golfe de Papouasie, accompagné d’autres explorateurs et personnalités. Vera y réalise environ 300 clichés, tandis qu’ils rassemblent de nombreuses pièces ethnographiques destinées au British Museum, ainsi que des spécimens pour le zoo de Londres.

Contrairement à de précédents explorateurs, Lord Moyne et son groupe ont remonté des rivières loin dans l’intérieur des terres. Il faut dire qu’ils voyageaient dans un très grand confort, un luxe surréaliste pour l’époque et le lieu ! Comme je l’ai déjà signalé dans la note intitulée Walter Edward Guiness en Nouvelle Bretagne (2021), Moyne avait fait spécialement aménagé Rosaura, un ferry à vapeur et l’avait transformé en yacht privé. Dans les villages qu’ils traversaient, ils se livraient aisément au troc d’objets.
Descendant des territoires Asmat, ils arrivent à Daru à l’entrée de la rivière Fly. Leur bateau ne pouvant cette fois-ci remonter la rivière, il repart pour l’Est, vers le Delta du Purari et s’arrête à Iari. Là, l’équipage découvre les maisons longues des hommes et leurs intérieurs peuplés de planches, de masques, crânes, boucliers, rhombes. Ils sont autorisés à pénétrer jusqu’au fond de la maison puisque Moyne (Walkabout p.62) remarque les « petits monstres » de vannerie qui peuplent ce qu’il pense être la partie la plus sacrée de la maison.

Si la majeure partie de la collection d’objets a été remise au British Museum, des doublons ont été envoyés à Cambridge et Oxford. Quant aux photographies, là encore si la collection est principalement détenue par la famille Moyne, une importante sélection de clichés a été donnée à Cambridge et Oxford.
Ce sont de précieux témoignages puisque ces photographies ont été prises par Lady Broughton d’une part et d’autre part parce qu’elles offrent une vision intéressante du delta du Purari à l’époque de l’apogée du colonialisme australien dans la région.
Plusieurs planches ancestrales (koi) montrées in situ dans une maison longue (ci-dessus 1ère photo – P.48397.ACH2) apparaissent dans une autre photographie du musée, prise par H. J. Braunholtz (ci-dessous – P.45458.ACH2) du British Museum.

Ce dernier deviendra conservateur du département des antiquités orientales et de l’ethnographie au British Museum de 1938 à 1953. Il jouera un rôle important en aidant Lord Moyne et Lady Broughton à exposer leur collection ethnographique et photographique issue de leur voyage en Nouvelle-Guinée. On pourra lire un de ses articles publié en juin 1936 dans la revue Man : « Note on a Special Exhibition of Ethnographical Objects from New Guinea and Indonesia Collected by Lord Moyne. »

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