Les marupai

Mibash du village de Karama (Elema) portant ses marupai, photo de F.E. Williams (entre 1922 et 1937) in An anthropologist in Papua, 2001.

Avant de clôturer ce vaste chapitre consacré aux photographies du Golfe de Papouasie, prenons un instant pour nous attarder sur ces petits objets intrigants que sont les marupai. La première référence que j’ai pu trouver à leur sujet provient de F.E. Williams, qui les mentionne dans son ouvrage Drama of Orokolo publié en 1940.

Ces marupai sont façonnés à partir d’une noix de coco naine sculptée en forme d’animal, évoquant un cochon à la bouche entrouverte. Des motifs géométriques y sont gravés, mis en valeur par un frottement avec de la chaux. Vu de profil, l’objet rappelle un kaiemunu et, à plus grande échelle, une maison des hommes. Fait intriguant : lorsque le marupai est tenu verticalement, les motifs semblent dessiner un visage presque humain, à l’image des masques traditionnels de cette région des Elema occidentaux (Biaru, Karama, Kerema, Keuru, Orokolo…).

Extrait de Drama of Orokolo

Il semble qu’on trouvait les marupai suspendus à certaines planches votives des villages elema, mais aussi à des ceintures d’écorce, des crochets porte-crânes, des figures humaines plates ou en ronde-bosse (cf. par exemple la photographie 2 de l’article sur Frederick R. Barton, 1906) . En réalité, ce petit objet était une amulette considérée comme un être vivant, imprégné d’imunu. Cette « énergie vitale » était intégrée à l’objet dès sa fabrication, réalisée dans le respect de tabous stricts, puis renforcée par un rituel de nourrissage du marupai, lui conférant ainsi une grande importance.

Marupai © Voyageurs & Curieux in Art de Papouasie Nouvelle-Guinée, 2010

Dans l’extrait ci-dessus de Drama of Orokolo, F.E. Williams remarque bien que le nombre de marupai est important dans un village, certainement détenus par les hommes initiés et probablement utilisés à des fins de la chasse et de protection. Mais son caractère dangereux est dévoilé par l’utilisation que peut en faire un sorcier.

L’article Marupai écrit par Richard Aldridge sur le site Oceanic Art, apporte des précisions sur ces objets :

« Les marupai sont des amulettes personnelles capables de remplir plusieurs fonctions :

  1. Il s’agit de charmes protecteurs, qui protègent leur propriétaire contre les attaques de sorcellerie dans le monde des esprits.
  2. Ils servent de messagers pour envoyer et délivrer des messages à d’autres personnes possédant un marupai, par l’intermédiaire de l’éther du monde des esprits.
  3. Ils permettent au sorcier de voyager à grande vitesse (voler / se transporter magiquement) d’un endroit à l’autre.
  4. Ils amènent le gibier, comme les cochons, les opossums et les casoars, à proximité du village, ce qui facilite leur capture.
  5. Ils sont utilisés pour tromper l’ennemi pendant la bataille, en faisant passer un individu pour plusieurs personnes ou en lui donnant l’impression d’être là où il n’est pas, de sorte que les flèches ennemies manquent leur cible.
  6. Ils peuvent être envoyés pour attaquer et tuer un ennemi à travers le monde des esprits lorsqu’ils sont entre les mains d’un puissant magicien.
  7. Certains marupai (Overa Hora) étaient accrochés sur des planches votives Hohoa pour les décorer.
  8. Ils sont parfois utilisées pour contrôler la météo. Ils peuvent rendre le temps orageux lorsque leur propriétaire pleure la mort d’un parent ».


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