
un membre de l’équipage du HMS Nelson, 1887 © MAA Cambridge P.45647
En ces temps où les portes de musées sont généralement fermées, on se souvient peut-être avec plus de nostalgie, voire plus d’acuité, d’expositions passées qui nous ont marqués. Parmi elles, Chiefs & Governors. Art and Power in Fiji qui s’est tenue en 2013 au MAA Cambridge était une belle présentation, et je m’aperçois ne pas en avoir parlé dans ce blog à l’époque. J’évoquerai ici le début de l’exposition qui présentait les grands rassemblements appelés solevu.

Je me souviens avoir été frappée par d’anciennes photographies affichant des démonstrations de quantités incroyables de richesses. Parmi elles, se trouvaient notamment en surabondance des tapa, mais aussi des taros, des ignames, des bananes, des paniers, des bols, de la poterie… et cette liste n’est pas exhaustive. Au XIXème siècle, on sait qu’il y avait encore des jupes, des armes et des pectoraux en ivoire, et tout au long du XXème siècle, la gamme des objets de valeur présentés, malgré l’interdiction coloniale, n’a cessé de s’élargir pour inclure des tissus en coton, du kérosène et du savon.

Toute la communauté est bien entendu mobilisée en ces journées spéciales de solevu qui, jadis, intervenaient notamment pour marquer l’établissement d’une trêve en temps de conflits. Plus récemment ces occasions de « montrer la surabondance » intervenaient (et interviennent) lors de mariages, de funérailles ou de l’intronisation d’un chef. Elles rassemblent des milliers de personnes, demandent des mois de préparation et permettent également la redistribution au sein de la communauté. Les tapa sont par exemple découpés en plusieurs morceaux pour être donnés à chacun.

Steven Hooper (in Fiji. Art & Life in the Pacific, catalogue de l’exposition de 2016 au Sainsbury Center) souligne l’importance des biens féminins exposés et échangés lors de ces grands rassemblements (tapa ou masi fabriqué par les femmes à partir de l’écorce interne du mûrier à papier (Broussonetia papyrifera)) permettant ainsi de transmettre des propriétés telles que la fertilité et la protection. Plus généralement, il écrit (p.99) : « Lorsque les objets de valeur des femmes, les fêtes des hommes, les objets de valeur spécifiques aux chefs et les produits achetés en espèces sont exposés sur les lieux de la cérémonie, il s’agit d’une déclaration matérielle très explicite des capacités productives vitales de tous les éléments de la société fidjienne« .