
Le périple de ces derniers mois nous a entraînés dans l’archipel des Australes (Rurutu, Tubuaï, Raïvavae). En revenant dans l’archipel de la Société, arrêtons-nous un instant sur Raiatea.
C’est sur cette île que se situe le paysage culturel de Taputapuātea, un centre politique, cérémoniel et funéraire, considéré comme le berceau de la civilisation Ma’ohi et inscrit sur la liste du Patrimoine mondial en 2017.
En son sein, se trouvent plusieurs marae… et non pas un seul comme on a tendance à le croire.
Les marae, ce sont ces espaces cérémoniels ouverts composés d’une aire rectangulaire dallée (‘āua), d’un autel (ahu) situé à l’extrémité et de pierres dressées. Il s’agit de lieux de culte, interfaces entre le monde des humains (Te-Ao) et celui des ancêtres défunts divinisés et des dieux (Te-Pō). L’architecture a pu évoluer avec les années mais on retrouve ces grandes composantes avec les éléments suivants : la ou les tables d’offrandes (fata), des sculptures en bois ornées de motifs zoomorphes, anthropomorphes et géométriques (unu). À proximité se dressaient des fare c’est-à-dire des maisons traditionnelles qui avaient de multiples fonctions.

Les marae sont particulièrement bien expliqués dans l’ouvrage de Teuira Henri : Tahiti aux temps anciens (chapitre Religion). Teuira était la petite-fille du pasteur Orsmond qui a consacré une partie de son existence à reconstituer l’ouvrage de son grand-père ; ce dernier ayant scrupuleusement noté tout ce qui lui avait été confié sur les traditions tahitiennes au début du 19è siècle.
Le marae du complexe le plus important est le tahua-marae Taputapuātea, le plus ancien du site et dont la renommée était très étendue en Polynésie. À une époque ancienne et avant la naissance du culte au dieu de la guerre’ Oro, il faisait office de marae national de Raiatea (appelée jadis Havai’i). Mais ce dieu devint très puissant et acquit une grande notoriété au point qu’il fut reconnu comme Dieu suprême de la Terre et des airs. Le marae Taputapuātea aux mains de chefs devenus influents fut dédié à ‘Oro et le site acquit ainsi une importance de premier plan.
Sur certains panneaux indicatifs, la pieuvre représente l’univers polynésien. Havai’i, considéré comme berceau de celui-ci, est placé à sa tête. Les autres îles, sous sa prépondérance, sont situées le long de ses tentacules et reconstituent ce qu’on appelle le triangle polynésien dont les sommets sont l’île de Pâques, la Nouvelle-Zélande et Hawaii.


L’un des marae de ce complexe sacré, impressionnant et émouvant de par sa position face à la mer, est le marae Hauviri qui renferme la grande pierre appelée « Le rocher blanc de l’investiture ». Elle aurait été apportée pour marquer l’investiture des chefs suprêmes, les Ari’i – Nui.

Plus modestes actuellement, les vestiges du marae ‘Ōpū-Teina rappellent cet espace réservé aux ari’i des branches cadettes, ou teina. Il s’agissait des navigateurs partis conquérir de nouvelles terres, sceller de nouvelles alliances, propager le culte de ‘Oro et fonder de nouveaux marae.

Le marae Tau’Aitū aurait été dédié à ces derniers, c’est-à-dire des prêtres ascètes qui se consacraient aux prières et aux divinités. Des compétitions de tir à l’arc se pratiquaient sur la plateforme entre guerriers prétendant au titre d’ari’i .

En fait, ce grand paysage culturel comprend 83 marae recensés à ce jour, de tailles différentes et fonctions diverses, et encore des lieux d’offrandes, places de réunion, pierres sacrificielles….