

Surprenants ces deux dessins juxtaposés !… Plus de 160 ans et 7600 kilomètres les séparent, entre le « Marquisien » d’adoption et les guerriers néo-irlandais !!
Et pourtant ils nous rassemblent autour de deux livres passionnants publiés (ou republiés) il y a peu…
Joseph Kabris ou les possibilités d’une vie 1780-1822 nous entraîne dans la biographie d’un Français embarqué sur un baleinier en partance pour le Pacifique sud, qui déserte une fois arrivé à Nuku Hiva et passe sept années aux Marquises avant de repartir à bord de la Nadejda, le vaisseau amiral de l’expédition Krusenstern. Kabris est débarqué au Kamtchatka, mais une nouvelle vie l’attend à Moscou après moult pérégrinations. Cependant il ne s’arrête pas là et on le retrouve à Paris en 1817. Devenu curiosité de salons, il tombera au rang de simple numéro de foires itinérantes en exhibant ses tatouages, avant de mourir pauvre et oublié à Valenciennes.
Cela ressemble à la trame d’une fiction que cet ouvrage n’est précisément pas. Christophe Granger, l’auteur, est historien et renonce à la tentation de côtoyer les frontières de la littérature en imaginant pour son personnage les zones d’ombre de sa vie. Cet essai donc, brillant, remarquablement bien documenté, s’intéresse à l’aspect sociologique d’une biographie avec la seule (et grande) question qui parcourt cette oeuvre : « Qu’est-ce qui rend une vie possible ? ». Plus généralement « Qu’est-ce qu’une vie ? »… Outre le riche contenu de ce livre, ce dernier constitue un bel objet par sa mise en forme et ses illustrations.
Et à propos d’illustrations et de bel objet, nous sommes très gâtés avec la réédition du dernier ouvrage d’Hugo Pratt : J’avais un rendez-vous, un ensemble de textes et de dessins sur son dernier voyage dans le Pacifique, publié en 1992.
De réels moments d’essentiels bonheurs mais aussi de réflexions à ne pas manquer lors de ces embarquements pour le lointain.
