
Dans le Sepik, à l’intérieur de la Maison des hommes, l’un des objets les plus sensibles est probablement le « pupitre d’orateur ». Je l’ai déjà évoqué, il y a bien longtemps, dans cet article, à l’occasion d’une très belle acquisition du musée du Quai Branly en 2006.
Cet objet (appelé Teket, teget, kawa rigit… selon les villages) se situe près du poteau central de la maison car il en constitue le « personnage » central, une « vraie » personne qui possède plusieurs noms, transmis soit par le lignage paternel, maternel ou/et secret. Il s’agit d’un personnage puissant qui est capable « d’agency », de « réagir » ; un guerrier qui combat pour les hommes du clan auquel il est attaché.

Bateson en avait décrit l’usage en 1932 : « Un homme qui débat dans une maison de cérémonie du village de Malingai (cf. photo ci-dessus). Il tient dans sa main trois paquets de feuilles et devant lui se trouve le « tabouret de discussion » élaboré (personnifié, totémique, etc.). En parlant, il pose les feuilles à la fois, puis les ramasse et les frappe une fois sur les selles, puis les remet en place une à une, répétant ce processus jusqu’à ce que son discours soit terminé. Cela introduit un certain ordre dans le débat, l’homme au tabouret ayant l’attention de la maison. Mais de tels débats mènent souvent à des bagarres ». (Légende G. Bateson, rapportée par Antonia Lovelace, juillet 1986).

C’était un objet inaliénable, et Otto Reche au début du XXème siècle, affirmait qu’il n’avait pu acquérir un objet de ce type. Dans les années 1960, Barry Craig rapportait que lorsqu’un pupitre était très ancien, une cérémonie fastueuse (en termes de têtes de cochons) était nécessaire à son remplacement car l’esprit de l’ancêtre devait pouvoir pénétrer dans la « nouvelle personne ». Les Iatmul exigeaient alors que l’ancien pupitre d’orateur soit retiré avant la fête afin d’assurer le bon déroulement du « transfert ». Serait-ce une explication satisfaisante à la présence de ces objets dans les collections occidentales ? Certainement pas lorsqu’on constate le nombre important de ces artefacts dans les collections publiques (15 pupitres dans les collections du seul musée du Quai Branly !) ?

Nicolas Garnier dans son article (photo ci-dessus) de Tribal Art 87, avance plusieurs hypothèses : Il y a peut-être eu une production pour les explorateurs allemands dès le début XXème car il existe de vieux pupitres dans les musées allemands. Une seconde hypothèse souligne d’existence de deux types de maison cérémonielle dont un type concerne les maisons d’adolescents : certains tabourets pourraient provenir de celles-ci. On pourrait également imaginer que certains « pupitres d’orateur » aient pu être pillés à des clans ennemis et les céder à des étrangers ne posait aucun problème ! Outre une production touristique active dès le début des années 50 (cf. ci-dessous, une photographie de Des Bartlett évoqué récemment), il y a peut-être eu également l’effet des cultes du Cargo qui ont touché la région du Sepik à la fin de la seconde guerre mondiale et qui ont encouragé à se débarrasser des artefacts liés à d’anciennes traditions.



Maintenant dans les maisons cérémonielles du Sepik, on rencontre des pupitres d’orateurs réalisés pour la vente et dont certains possèdent une iconographie laissant libre cours à une belle imagination ! (cf. l’exemplaire ci-dessous)…


Heureusement que tu es là pour nous parler de la PNG et du Sépik, notre passion à quelques uns (unes) et nous rappeler l’intéressant article et les très belles aquarelles de Nicolas Garnier dans le Tribal Art que tu cites !!!
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