

L’élément le plus intriguant de la gravure représentant John Williams et « ses trophées » est sans nul doute le bâton de Rarotonga enveloppé dans un large rouleau. Si l’on prête attention à la gravure reproduite en couverture de l’ouvrage de Williams : A Narrative of Missionary Enterprises in the South Sea Island (ci-dessus), l’on y voit les révérends Williams et Pitman assis avec leurs épouses, aux pieds desquels sont déposés 14 « idoles » sous la forme de dieux-bâton ou Atua Kakau. Il s’agit probablement d’une mise en scène car la réalité a probablement dû être plus violente ; destinés à des autodafés, les objets survivants furent expédiés à Londres par la London Missionary Society.
Le British Museum possède le plus grand dieu-bâton qui a conservé son enveloppement et mesurant 4 mètres. De par sa singularité et sa grandeur, ce dernier a été très tôt exposé au musée de la London Missionary Society avec éventuellement une exagération de sa taille afin de marquer davantage les esprits (voir gravure ci -dessous).



Extrait de A Narrative of Missionary Enterprises in the South Sea Island p.116-117
… »they requested us to take our seat outside the door ; and on doing so, we observed a large concourse of people coming towards us, bearing heavy burdens. They walked in procession, and dropped at our feet fourteen immense idols, the smallest of which was about five yards in length. Each of these was composed of a piece of aito, or iron-wood, about four inches in diameter, carved with rude imitations of the human head at one end and with an obscene figure at the other, wrapped round with native cloth, until it became two or three yards in circumference.
Near the wood were red feathers, and a string of small pieces of polished pearl shells, which were said to be the manava, or soul of the god. Some of these idols were torn to pieces before our eyes; others were reserved to decorate the rafters of the chapel we proposed to erect ; and one was kept to be sent to England, which is now in the Missionary Museum. It is not, however, so respectable in appearance as when in its own country ; for his Britannic Majesty’s officers, fearing lest the god should be made a vehicle for defrauding the king, very unceremoniously took it to pieces ; and not being so well skilled in making gods as in protecting the revenue, they have not made it so handsome as when it was an object of veneration to the deluded Rarotongans« .
La gravure de Williams et « ses trophées » ne montre pas ce grand dieu-bâton mais un plus petit, réalisé comme les autres dans du bois de fer et enveloppé d’une importante étoffe d’écorce ornée de motifs en zig-zag. On ne sait pas où se trouve actuellement cet objet.
Dans l’extrait mentionné ci-dessus de l’ouvrage consultable en ligne : A Narrative of Missionary Enterprises in the South Sea Island, on apprend entre autres, que des plumes rouges et de la nacre sont présentes à l’intérieur de l’enveloppe, que certains de ces dieux-bâtons ont été « mis en pièces » (et de fait dans les collections on ne retrouve que les parties supérieures), et que le grand bâton du British Museum n’est probablement pas conforme à l’original puisque des douaniers ont voulu faire du zèle en « déshabillant » entièrement l’objet !
Intéressons-nous maintenant à la sculpture du bâton lui-même. Ci-dessous la partie haute d’un dieu-bâton conservé au British Museum, celle-ci mesure 111 cm et il semble que le bâton entier aurait mesuré 6 mètres. À droite, on peut voir les détails du dieu-bâton conservé au Pitt Rivers Museum d’Oxford, il est entier et mesure 232cm. Ici sont, seules figurées, sa partie supérieure et sa partie inférieure.

© British Museum


Si l’on songe au « dieu des pêcheurs », l’on retrouve bien des caractéristiques stylistiques énoncées à son sujet pour la tête des bâtons : grands yeux et bouche sculptés avec plusieurs ellipses, la forme de l’oreille presque collée à l’oeil et le grand front.
Sous la tête, démarre une succession de personnages généralement sculptés par paires, puis vient le corps du bâton non sculpté et l’extrémité qui présente de nouveau des personnages pour se terminer en forme phallique.
Ces paires de personnages, comme c’est le cas sur le dieu-bâton du British Museum ou ci-dessus sur le dieu-bâton ex. collection Frum (vente Sotheby’s sept. 2014), sont composées en alternance d’un personnage masculin de profil présentant un pénis important et probablement d’un personnage féminin ici vu de face, assis, bras et jambes pliés et avec des oreilles démesurément grandes et allongées. Il en est de même pour le dieu-bâton conservé à Cambridge (ci-dessous). Que dire sur cette iconographie ?
Photo 1 : Couverture de l’ouvrage A Narrative of Missionary Enterprises in the South Sea Island avec la gravure « And the idols he shall utterly abolish » de G. Baxter. 1827.
Photo 2 : Planche de G. Baxter in A Narrative of Missionary Enterprises in the South Sea Island
Photos 3 et 4 : Dieu-bâton Oc1978,Q.845 © British M. © British Museum
Photo 5 : Gravure de l’intérieur du Musée de la London Missionary Society in London News du 25 juin 1859
Photo 6 : Dieu – bâton Oc1919,10-14,1 © British Museum
Photos 7 et 8 : Dieu – bâton PRM1884-62-31 © Pitt Rivers Museum
Photo 9 : Détail du dieu-bâton de la collection Frum, vente Sotheby’s 2014, photo de l’auteure.
Photo 10 : Planche de Peter Buck : Détail du dieu-bâton Z.6099 © Museum of Archaeology and Anthropology Cambridge.
Merci Martine pour vos articles sur l’Océanie, un vrai plaisir de vous lire.
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Merci 🙂 Un peu plus de temps en ce moment pour écrire !
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